
Le Ministère de l’économie va devoir bien réfléchir avant de rendre sa décision fin mai sur un possible soutien de l’Etat français au pétrolier Total. Il est, en effet, prévu une enveloppe de 700 millions d’euros destinée à l’exploitation de gigantesques gisements de gaz naturel liquéfiés en Arctique en collaboration avec le gazier russe Novatek. Projet que nous évoquions dans notre article du 16 mai dernier.
Depuis quelques temps, le groupe Total suscite un vent de colère et les mouvements de désapprobation contre les projets industriels de groupe dans le monde se multiplient. Un nouvel exemple s’est produit hier, jeudi 21 mai, lorsque trois ONG ont déposé devant le Ministère de l’Economie, dix blocs de glace découpés aux formes de 700 000 000 euros. Le message envoyé au gouvernement est clair : hors de question que l’état français apporte une quelconque aide financière à une entreprise dont l’activité menace une région du monde fragilisée et par la même, la terre dans son ensemble. «Le projet a pour objectif de produire et exporter l'équivalent de sept milliards de barils de pétrole» précise t-on du coté des ONG et Clémence Dubois, responsable des campagnes en France pour 350.org., rajoute que : «financer aujourd'hui l'extension de Total dans l'Arctique est criminel».
Dans des propos plus mesurés, c’est le même message que certains actionnaires du groupe Total ont fait passé à Mr Patrick Pouyanné, PdG de Total (bientôt Total Energies). Maeschaert Asset Management et Crédit Mutuel pour ne citer qu’eux, ont décidé de voter contre la résolution climat présentée par la direction de Total. Non pas par manque de volonté de la part du groupe d’agir dans le sens d’un plus grand respect de l’environnement, mais plutôt d’une trop grande lenteur de leur mise en œuvre. Il est reproché à Total de ne pas aller assez vite. Les actionnaires du groupe attendent des actions plus fortes qui prouvent la détermination du pétrolier de se mettre en accord avec l’Accord de Paris.
Même si elle ne satisfait pas encore complétement, la direction de Total rappelle qu’elle a montré une amorce forte de changement de stratégies dans ses activités. Cependant, cela ne suffit pas et ne convainc pas. Aux yeux des ONG et du public, Total est toujours un pollueur et un danger pour l’environnement. Quant aux actionnaires, la part des investissements du groupe dans les énergies fossiles est encore beaucoup trop important en regard de celle engagée dans les énergies renouvelables.
Les ONG rappellent l’urgence à agir rapidement : «Il fait 30°C en Arctique en ce moment, les décisions qui sont prises ici ont des conséquences catastrophiques à l'autre bout de la planète». Il est vrai que les différents signaux envoyés depuis cette région du monde ne sont pas vraiment de nature à rassurer. Un prochain article portera sur le réchauffement accéléré de l’Arctique au cours des quatre dernières décennies.
Une situation tout de même assez compliquée pour Total. Il faut bien l'avouer. On peut saisir pleinement l’urgence et démontrer ses meilleures volontés mais il faut également composer avec la réalité. Et la réalité pour Total, c’est de fournir ses clients avec les énergies du moment qui restent les seules à pouvoir répondre à la forte demande mondiale, à savoir le pétrole et le gaz. Même si la transition énergétique progresse et que la part d’énergie propre croît, comment faire pour se passer totalement des énergies fossiles ? Au moins jusqu'en 2030 selon Mr Pouyanné.
La France va bientôt entrer dans une année de campagne électorale et si les dirigeants politiques actuellement aux affaires, qui ne marqueront pas de briguer un second mandat, ne veulent pas accentuer encore davantage la perception, au sein de l’opinion publique, d’un énorme décalage entre des déclaration bienveillantes d’intentions climatiques et des décisions pour le moins discutables, il serait grand temps de faire montre d’une certaine cohérence et peut-être un certain courage.
Publié le 21/05/2021 11:53
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