Nous avons tous vu des images qui ont donné matière à réfléchir : des oiseaux et des tortues morts étouffés par le plastique qui envahit de plus en plus les écosystèmes marins.
Dans de nombreuses régions du monde, ce type de pollution plastique a fait la une des journaux.
Pourtant, il y a un fléau environnemental similaire qui attire beaucoup moins l’attention, mais qui est potentiellement aussi nocif, disent les experts: la pollution plastique agricole. Des recherches récentes du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indiquent que les sols agricoles peuvent recevoir de plus grandes quantités de microplastiques que les océans.
Résultat de la lente détérioration de matériaux et outils, ce plastique s’infiltre dans les sols du monde entier, réduisant sa qualité et entrant souvent dans la chaîne alimentaire.
Les experts tirent la sonnette d’alarme sur ce qu’ils appellent une menace invisible pour les systèmes alimentaires mondiaux.
« Nos systèmes comptables n’attribuent pas de valeur à la santé des sols, de sorte que les incitations à maintenir les sols en bonne santé sont faibles », a déclaré Mahesh Pradhan, Coordonnateur du Partenariat mondial pour la gestion des nutriments du PNUE. « Les produits en plastique dans les fermes font vraiment partie de la piste toxique de la croissance économique. »
7 façons de contrer le fléau des plastiques à usage unique
Les plastiques dans les sols sont un problème mondial qui va généralement de pair avec l’agriculture intensive. Selon les experts, ils sont présents partout, de l’Asie à l’Amérique du Nord en passant par l’Afrique. Endiguer la marée sera crucial dans les années à venir. Les chercheurs estiment que plus de 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites depuis le début des années 1950 et que le volume mondial de déchets plastiques continue de croître.
Selon l’Évaluation mondiale de la pollution des sols, alors que la population mondiale devrait augmenter de 2 milliards d’ici 2050, la réduction de la pollution plastique dans les sols sera essentielle pour progresser vers la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
Le rapport, publié par le PNUE et la FAO, montre que la sécurité alimentaire mondiale est compromise par la pollution des sols. Si ce problème n’est pas abordé, il continuera d’entraver la réalisation des objectifs liés à l’élimination de la pauvreté (ODD 1), de la famine (ODD 2) et à l’approvisionnement en eau potable (ODD 6), entre autres.
Histoire d’origine
Les serres en décomposition sont une source majeure de pollution plastique dans les sols
Une grande partie du plastique qui se retrouve dans le sol fait partie de la famille des plastiques à usage unique, dit Pradhan. Les sources fréquentes comprennent les films de paillis en plastique, qui sont utilisés autour des plantes pour garder le sol humide, et les engrais encapsulés en plastique et à libération lente, dit-il. D’autres produits en plastique comprennent des films pour les serres et l’ensilage, des filets d’ombrage et de protection, et l’irrigation goutte à goutte, explique Lev Neretin, du Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement de la FAO.
De nombreux agriculteurs dépendent de plus en plus des plastiques agricoles, qui, selon M. Neretin, prolongent les saisons de croissance, réduisent la consommation de pesticides, protègent les plantes des intempéries, améliorent l’efficacité de l’eau et peuvent augmenter les rendements jusqu’à 60%.
Plusieurs de ces plastiques se décomposent en particules de moins de 5 mm, connues sous le nom de microplastiques, avant de se désintégrer davantage en nanoparticules, d’une taille inférieure à 0,1 micromètre. Ceux-ci peuvent ensuite s’infiltrer dans le sol et les systèmes d’eau souterraine.
"Mais le problème n’est pas insoluble", explique Kristina Thygesen, experte principale chez GRID Arendal qui travaille avec le PNUE pour la recherche sur les plastiques dans l’agriculture. "La première étape pour résoudre ce problème est de commencer à cultiver plus de cultures qui sont mieux adaptées au climat », a-t-elle ajouté.
Impacts sur la santé
En 2018, des chercheurs allemands ont estimé que sur les 400 millions de tonnes de plastique produites dans le monde chaque année, un tiers d’entre elles finissent sous forme de déchets plastiques dans les sols ou l’eau douce.
La façon dont le sol interagit avec le plastique dépend de plusieurs facteurs, notamment l’humidité, l’acidité, la lumière ultraviolette, ainsi que la taille et le type de plastique.
« Le problème, c’est que nous ne savons pas à quel point la dégradation de ces produits cause des dommages à long terme aux sols agricoles », explique Pradhan. « Nous devons développer des méthodes normalisées de détection des microplastiques dans le sol afin de mieux comprendre combien de temps ils y restent et comment ils changent au fil du temps. »
Certaines études suggèrent que les plastiques dégradés peuvent s’accumuler dans la chaîne alimentaire. Bien que davantage de recherches soient nécessaires concernant les impacts sur la santé, Neretin affirme que des études ont identifié des microplastiques dans les organes humains, plus récemment dans le cerveau.
« Le principe de précaution dicte que beaucoup plus de recherches sont nécessaires sur ce sujet », a-t-il déclaré, ajoutant que le monde doit travailler à l’élimination des microplastiques de la chaîne alimentaire.
Prochaines étapes
Thygesen affirme que l’innovation sera la clé pour mettre fin à la dépendance de l’agriculture au plastique.
« À l’heure actuelle, un agriculteur peut utiliser du plastique pour contrôler les mauvaises herbes, mais peut-être qu’une petite machine pourrait être développée pour reconnaître les mauvaises herbes et les éliminer », a-t-elle déclaré. « Nous vivons dans un monde de haute technologie, et nous pouvons trouver des solutions si nous le voulons vraiment. Nous devons développer une nouvelle génération de technologie agricole. »
Pradhan dit que l’ensemble du secteur agricole doit devenir plus efficace et réutiliser les plastiques.
Cela se produit dans de nombreux endroits, dit Neretin. Quelque 60 pays ont mis au point ce que l’on appelle des régimes de responsabilité élargie des producteurs pour la gestion des contenants de pesticides vides, qui imposent aux fabricants la responsabilité de traiter ou d’éliminer leurs produits à la fin de leur cycle de vie. Certains programmes collectent et recyclent également une gamme plus large de plastiques agricoles.
Certains fabricants se sont également tournés vers des matériaux innovants, tels que le plastique biodégradable, qui, selon eux, peut être décomposé en toute sécurité par des microbes et transformé en biomasse ou en eau. En fin de compte, cependant, les experts disent que c’est un problème qui ne sera pas résolu par un seul groupe.
Les agriculteurs ont également besoin d’une formation sur la gestion et l’élimination du plastique et d’un accès équitable à des alternatives durables, explique Neretin. Les organismes de réglementation doivent aussi établir des lignes directrices claires sur l’utilisation et l’élimination des plastiques agricoles. Les fabricants de plastique doivent innover et fournir des solutions circulaires, et « la science doit étudier les voies de pollution dans les chaînes du sol et des aliments pour déterminer les effets de la pollution plastique », a-t-il déclaré.
À propos de la Journée mondiale des sols
La Journée mondiale des sols a lieu chaque année le 5 décembre pour attirer l’attention sur l’importance de sols sains et plaider en faveur de la gestion durable des ressources des sols.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et GRID Arendal étudient de façon conjointe, la question des plastiques agricoles.
Publié le 21/12/2021 16:19
Commentaires