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Brigitte Gothière

Brigitte Gothière, fondatrice et directrice de l'association L214, répond à nos questions dans une interview exclusive.

Madame Gothière, je vous remercie d’avoir accepté de répondre à nos questions dans une longue interview que nous diffuserons en 2 parties.

Nous allons parler ensemble de la condition animale ; de la place des animaux dans nos sociétés, l’évolution de leurs droits, et de sujets plus difficiles comme la maltraitance. Nous aborderons également les notions de « bien-être » et d’ « éthique », vos rapports avec les élus et les différentes filières professionnelles. Les sujets ne manquent pas dès lors que nous nous intéressons à nos amis, les animaux.

  • Mais avant d’aborder tous ces thèmes, pourriez-vous nous faire un bref historique de votre association ? D’où est-elle née ? Quelle est sa vocation ? Combien êtes-vous ?

L214 est née d’une volonté commune entre plusieurs personnes, d’une idée de justice. Une justice qui s’étend aussi aux autres animaux avec la volonté de faire émerger la question animale en la rendant visible, notamment au travers d’enquêtes filmées. On a tous et toutes lu des philosophes. Nous nous sommes nourris d’une revue qui s’appelait à l’époque Les Cahiers antispécistes . Nous avions donc un socle commun d’échange d’idées. Nous nous sommes croisés au Festival de la question animale qui a lieu chaque année. Cette année encore, début aout dans la Marne. C’est donc cette rencontre de personnes qui a d’abord fait naitre le mouvement Stop gavage puis ensuite, L214. La vocation est de faire reconnaitre que, puisque les animaux sont des êtres doués de sensibilité, ce ne sont donc pas des ressources à notre disposition mais des êtres à part entière qu’il faut cesser de considérer comme de la nourriture. Ce caractère sensible a été reconnu dans le code rural part, précisément, l’article L214 en 1976. Nous avions acquis toute la méthodologie avec Stop gavage que nous avons appliquée à L214 ; à savoir partir d’exemples très concrets pour montrer les rouages d’un système qui considère les animaux comme des ressources, avec le gavage ; un système poussé à son extrême puisque l’on va rendre sciemment des animaux malades pour se nourrir de leurs organes. Avec Stop gavage, nous avons dû nous renseigner au travers d’études, documentaires scientifiques, presses professionnelles. Nos premières recherches ont été faites sur le terrain. Nous avons mené des enquêtes filmées. C’est finalement tout ce travail assez méticuleux autour de chaque enquête qui va faire naître la particularité de L214, en ayant d’un côté, les preuves par l’image et de l’autre, toute l’enquête documentaire qui accompagne. Nous avons démarré avec une poignée de 5 ou 6 bénévoles. Aujourd’hui, nous avons 75 salariés et 50 000 membres et 2 000 bénévoles et nous sommes suivis par plus d’un million de personnes sur les réseaux sociaux.

  • Le champs d’action de votre association s’arrête-t-il aux frontières françaises ou avez-vous des ramifications en dehors du pays ?

L’activité de L214 reste en France mais effectivement, nous avons des liens avec d’autres associations avec lesquelles nous échangeons très régulièrement. Nous faisons partie, par exemple, de l « Open Wing Alliance » qui est une coalition d’associations qui a débuté avec une campagne contre l’élevage en cage des poules pondeuses. On a donc mené des actions à l’international avec ces associations. D’autant qu’en France, on est bien placé. En effet, la France abrite les sièges sociaux de grands acteurs économiques internationaux. Donc nous étions un point clé notamment par rapport à toutes les campagnes que nous menons pour faire reculer la cruauté envers les animaux. Des groupes comme Carrefour, Auchan, Danone entre autres. Il est donc intéressant d’embarquer la France dans les campagnes internationales. Et puis il y a aussi les questions politiques au niveau européen. On va être en coopération avec d’autres associations. Nous faisons par exemple partie d’ « Europgroup for animals ».  Jusqu’ à présent, nous n’étions pas très actifs à ce niveau. Mais nous nous renforçons rapidement. Nous avons déjà mené quelques campagnes comme celle concernant l’amendement 171 au niveau européen qui propose d’interdire aux produits végétaux les appellations : lait , et l’utilisation de pots de yaourts pour les yaourts végétaux. Grâce à cette action commune, l’amendement a été enlevé. En ce moment, nous sommes en train de sensibiliser au niveau international sur les subventions européennes très importantes qui sont délivrées pour pouvoir faire de la publicité pour la viande et le lait . Autre exemple de campagne : « Let’s talk about pork ». Une campagne qui vise à faire la promotion de la viande de porc quand on sait qu’en France, 95 % de la viande de porc est issue de cochons qui sont élevés en élevage intensif sans aucun accès vers l’extérieur.

  • Existe-t-il des mouvements similaires au vôtre hors de France.

Donc, notre domaine d’activité est bien la France mais avec des échanges de campagnes et d’expériences avec les autres organisations. D’ailleurs, la France n’est pas du tout isolée. Des organisations similaires à la notre, il y en a partout dans le monde et nous avons donc beaucoup appris des autres et de leurs expériences. Je pense à Mercy for Animals par exemple.

Il y avait des mouvements bien avant le nôtre. Je pourrais citer PETA ou une nouvelle fois, Mercy for animals. PETA utilise aussi d’ailleurs des reportages filmés, organise des happenings pour attirer l’attention, mène des actions au niveau politique, des entreprises, pédagogiques. Ces mouvements ont pour le coup étaient vraiment précurseurs en se saisissant de tous les moyens modernes comme les réseaux sociaux.

Nous n’avons pas la prétention de dire que nous avons été précurseurs et je dirais qu’aucune organisation n’a hélas la recette magique pour faire avancer la question animale à grands pas. Mais si un jour, l’une se distingue, je pense que nous adopterons tous le même mode d’action !

  • Depuis 2008, date de la création de L214, diriez-vous que la condition des animaux a évolué ? En bien ou en mal d’ailleurs.

Je dirais oui quand même. Des choses ont changé. Ce n’est pas la révolution. Nous ne sommes pas passés d’un monde qui tue les animaux pour les manger à un monde qui reconnait leur sensibilité et les considère comme des cohabitants. Donc , on n’est pas au bout du chemin. Néanmoins, il y a dix ans quand on parlait de défendre les animaux, on parlait de défendre les chiens et les chats. Et aujourd’hui, la question des animaux qui sont élevés pour la consommation y compris les poissons, commence à entrer doucement dans les consciences. Le débat public arrive au niveau politique, au niveau des entreprises. Nous n’avons pas encore obtenu de loi pour faire reculer significativement les choses. Des petites victoires comme les repas végétariens dans les cantines permettront un très très léger recul mais la réalité, c’est toujours 3 millions d’animaux par jour dans les abattoirs terrestres auquel il faut ajouter un nombre incalculable de poissons dans les piscicultures, bateaux de pêche, etc. La situation évolue au moins au niveau des mentalités. On entend parler de plus en plus de flexitarien, c’est-à-dire de gens qui prennent conscience d’un certain nombre de problèmes. La question de la condition animale du point de vue de L214, c’est que 99% des animaux exploités par les êtres humains, sont élevés pour la consommation alimentaire. C’est donc une écrasante majorité. Il y a donc cette prise de conscience au sein de la société et nous nous réjouissons de voir que certaines personnes décident d’amorcer un changement. Sans oublier que nous sommes à la croisée d’un grand nombre de questions environnementales, sanitaires, sociales, médicales, de partage des ressources. 70 milliards d’animaux sont tués par an dans le monde pour être mangés et 1 000 milliards par an pour les animaux aquatiques. Pour ces derniers, ils s’agit d’estimations données par des scientifiques anglais appartenant à l’organisme Fish count. Mais bien évidement, il n’est pas aussi facile d’obtenir un nombre aussi précis que pour les animaux terrestres. Rien qu’en France, on tue 1 milliard d’animaux terrestres par an.

  • Vous avez évoqué le terme flexitarien tout à l’heure. J’ai souvent l’impression qu’il s’agit d’un terme galvaudé derrière lequel se cachent ceux qui n’arrivent pas à renoncer à la consommation de viande. Un terme qui donnerait bonne conscience finalement. Qu’en pensez vous ?

Je pense que nous sommes toutes et tous pétris de contradictions avec des idées citoyennes très souvent en avance par rapport à nos comportements de consommatrices ou consommateurs. Et je pense que chacun essaie de faire avec ses propres contradictions avec tous nos biais cognitifs. Moi je vois ce flexitarisme comme un pas en avant mais on sait très bien que toutes les avancées que nous pouvons obtenir, passent par des comportement individuels, sans oublier surtout les décisions politiques et du coup les décisions collectives. Si notre société en arrive à reconnaitre que les animaux sont des êtres doués de sensibilité et que le fait de les manger est en complète contradiction avec notre morale commune qui dit que l’on ne doit pas maltraiter et  tuer sans nécessité, à ce moment-là, ce sera inscrit dans la loi. Ca arrivera culturellement et le fait de manger des animaux deviendra quelque chose de totalement incongru voire interdit. Or aujourd’hui ce n’est pas le cas. Par conséquent, chacun est obligé de composer avec son propre soi-même avec lequel on est pas toujours d’accord. Je vois donc ceci davantage comme un très fort signal d’encouragement à se dire : oui j ‘ai pris conscience, j’essaie d’avancer, je sais que j ai du chemin à faire mais au moins je me suis lancé. Et puis je me dis que les personnes qui se sont lancées sur la question du flexitarisme, ca veut dire que plusieurs fois par semaine, elles mangent végétariens ou mieux, 100% végétal et du coup, elles découvrent aussi une nouvelle façon de s’alimenter. Parce que la plupart d’entre nous - enfin moi je ne me souviens pas du tout de la première fois ou j’ai mangé de la viande, j’en avais midi et soir à l’école et la maison et donc - il y a une espèce d’habitude et de culture qui nous imprègnent fortement. Et l’on sait que le changement d’habitude et de culture, ca ne se fait pas d’un seul coup. On l’a fait avec les téléphones portables qui nous apportent de la facilité et des services. En matière d’alimentation, on touche à l’intime, à l’enfance, et c’est, par conséquent, bien plus compliqué.

De plus, de nos jours, il nous faut composer avec internet. L’interprofession des éleveurs de bovins qui reprend le terme de flexitairen et qui nous dit : fléxitarien, mais oui, bien sur, mangez de la viande et des légumes autour. C’est ca être flexitarien ! on voit bien donc qu’il y a aussi des manipulations commerciales autour de ce terme. Mais je pense néanmoins que chez la plupart des personnes qui témoignent de leur flexitarisme, il y a une prise de conscience aussi bien des enjeux climatiques que de la question animale. Au final, je prendrais donc cela comme un petit signe d’espoir auquel il faut s’accrocher. J’aime bien faire la comparaison avec une école devant laquelle vous cherchez à faire ralentir les voitures. Vous avez plusieurs moyens d’action. Vous pouvez juste avertir en disant attention, vous avez ici une école. Merci de ralentir car vous risquez de tuer nos enfants. Puis, chacun prend la responsabilité de ralentir ou pas. Ou alors, vous pouvez mettre un panneau ou un radar, dans ce cas-là, davantage de personnes vont ralentir. Vous pouvez mettre une chicane. C’est déjà une manière de forcer les gens à ralentir parce que vous ne pouvez pas garder la même vitesse avec ou sans chicane. Et enfin, vous avez la possibilité de rendre la rue de cette école piétonne. Et donc quelque part, sur la question de notre rapport aux animaux, c’est exactement ca. Soit simplement on alerte les gens sur la condition animale juste dans le discours et chacun compose avec. Certains prendront en compte et d’autres pas du tout. Ou bien vous cherchez à rendre la voie complétement piétonne et la, plus aucun animal n’est tué.

  • Dans ce cas précis, si je suis votre raisonnement, ca signifierait interdire purement et simplement. Ca vous parait réaliste et réalisable en France comme ailleurs ?

Oui. On a bien interdit la peine de mort dans un grand nombre de pays. Beaucoup de choses ont été interdites. Il y a des droits sociaux qui ont évolué et fort heureusement depuis la nuit des temps. Je pense aux droits des femmes entre autres. L’évolution vers des droits positifs a également fait avancer cette cause : le droit de vivre, le droit de ne pas être mal traités, d’être torturés. Ca peut être juste des droits positifs. Nous ne manquerons de rien. Même si l’on doit se battre contre des lobbies qui veulent faire passer le 100% végétal pour quelque chose de triste, où l’on sera tous sujets à de terribles carences. Nous voyons donc aussi que beaucoup d’idées reçues autour du végétal sont à déconstruire.

  • Dans ce combat noble que vous menez afin de protéger l’intégrité des animaux, vous vous êtes rendus célèbres en diffusant des reportages aux images souvent insupportables reflétant une réalité qui ne l’est pas moins. Pensez-vous que choquer est finalement le seul moyen de faire bouger les choses ?

Et bien écoutez, nous avons débuté en distribuant des tracts dans lesquels on expliquait de quelle façon étaient traités les animaux. Et quand on les distribuait, les gens nous disaient : ah mais non c’est pas possible. Ca doit se passer aux Etats-Unis ou dans les pays de l’Est il y a 50 ans mais pas ici et maintenant ! A partir du moment où nous avons commencé à montrer les images de ce qui se déroulait en France actuellement, les gens ont commencé à se rendre compte de la réalité. Alors, nous n’avons pas l’intention de choquer. C’est juste la réalité qui est extrêmement choquante. On a poussé très loin ce que l’on peut faire subir aux animaux sous prétexte de les manger. Entre le confinement dans des bâtiments complètement fermés comme nous pouvons le voir avec les poulets qui sont à 22 par metre², des marées de poulets qui s’étendent à perte de vue. Entre les mutilations des animaux pour forcer leur cohabitation. Ce ne sont plus des bâtiments que l’on adapte aux animaux mais l’inverse. Parlons de la coupe des queues des cochons, le meulage des dents et puis, pour notre petit confort gustatif, la castration à vif. On a aussi le cas de la coupe des becs pour les poules pondeuses afin de les faire tenir dans des cages. Même dans les élevages bio, on trouve jusqu’à 3 000 poules qui sont élevées en même temps alors qu’il faudrait à peine quelques dizaines d’individus. Donc oui, la réalité est super choquante. Et encore, je n’ai pas parlé des abattoirs où la, il y a très peu de personnes qui peuvent soutenir du regard ce qui s’y passe. L’émotion est donc un levier puissant pour mettre en route. Il faut ensuite confronter cela à de la raison. Voilà pourquoi je vous disais tout à l’heure que nous utilisons les images qui sont une espèce de résumé avec un format qui nous est imposé par les réseaux sociaux. On obtient donc des images très intenses pendant quelques minutes. Mais à coté de cela, nous avons des dossiers complets qui expliquent pas à pas ce que vivent les animaux à chaque étape de leur calvaire, de la naissance à l’abattoir. Beaucoup d’étapes dans la vie des animaux sont choquantes, quand ce n’est leur vie entière qui est choquante.

  • Et précisément, parvenez-vous à faire évoluer la cause animale de cette façon ? Nous avons fait un article récemment sur un élevage de truie dans le Finistère dans lequel un de vos reportages montrent des traitements innommables infligés aux animaux. Quelques années auparavant, vous aviez déjà alerté sur de tels agissements et pourtant , les choses ont continué. Comment expliquez-vous cela ?

S’agissant de cet abattoir situé à Briec, nous nous sommes basés sur un rapport des services vétérinaires qui datait de 2016. Nous n’avions pas documenté ce qui se passait dans cet abattoir avant 2021. Mais en 2015 / 2016, nous avions montré toute une série d’enquêtes en abattoir, je pense à Alès entre autres. A la suite de ces enquêtes, le ministre de l’époque, Mr Le Foll, en a eu assez et a ordonné un audit fait par les services de contrôle de l’Etat dans l’ensemble des abattoirs des animaux de boucherie ; à savoir 250 dans le pays, dont celui de Briec. Ils ont publié l’ensemble des rapports. Nous avons récupéré ces rapports et nous avons comparé certains, dont l’abattoir de Briec, avec nos images. C’est à ce moment que nous avons constaté que les infractions constatées en 2016 n’avaient pas été corrigées par les services de l’Etat jusqu’en 2021. C’est ca qui n’a pas bougé. On a montré toute une série d’enquêtes en abattoir. Il y a eu cet audit. Il y a eu une commission d’enquête menée par Olivier Falornie sur les abattoirs qui a abouti à un rapport accablant auquel s’ajoutent une centaine de recommandations. Il a aussi déposé une proposition de loi qui a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Proposition de loi par la suite abandonnée au Sénat. Dans ce projet de loi, il y avait le contrôle vidéo dans les abattoirs, la supervision permanente par un agent des services vétérinaires du poste où les animaux sont mis à mort. Toutes ces propositions n’ont pas été suivies par manque de courage politique des gouvernements successifs. Ils n’osent pas s’opposer à certaines fédérations comme la FNSEA qui est un puissant syndicat agricole majoritaire aujourd’hui parce qu’historiquement, c’est celui qui a mené toutes les réformes depuis l’après-guerre et qui font qu’aujourd’hui, nous avons une agriculture productiviste qui s’accroche à ce modèle productiviste. Pour être tout a fait claire dans ma pensée, le ministre de l’Agriculture est une marionnette de la FNSEA. On l’a vu avec le ministre actuel, Julien de Normandie, concernant la polémique artificielle qu’ils ont montée autour des cantines à Lyon ou il tweete : «voila, mangez de la viande, c’est indispensable pour bien grandir. » D’où sort-il une chose pareille ? C’est fondée sur aucune vérité nutritionnelle. Bien au contraire.

A coté de cela, il y a des choses que nous arrivons à bien faire évoluer. Par exemple, je pense que c’est grâce à ces images, que la prise de conscience s’est faite et que les débats ont pu arriver à l’Assemblée nationale. Nous avons également obtenu des fermetures définitives ou provisoires d’un certain nombres d’établissements. Je peux citer l’élevage de poules du Perrat à Chaleins qui a fermé suite aux images que l’on a pu montrer. Mais je vous assure que ça a été très long. Les premières images ont été montrées en 2013, elles ont été interdites, puis nous avons été à nouveau en contact avec des ouvriers qui travaillaient à l’intérieur du site et c’est en 2016 au moment où nous avons sorti les images publiquement - car en 2013, nous avions simplement alerté les services vétérinaires - que le ministre de l’époque aux affaires fait fermer l’établissement. Nous avons fait fermer un couvoir aussi dans le Finistère.

Voilà, il y a quelques exemples comme ceux-là. Et il y a aussi quelques avancées avec les entreprises. Si je prends l’exemple des poules pondeuses, en 2008, 80 % étaient élevées en cage en France. Aujourd’hui ce chiffre est descendu à 36 %. Cette baisse a été rendue possible grâce à des campagnes que nous avons menées aux côtés d’autres associations de défense des animaux auprès du public, mais nous nous sommes également adressés à la grande distribution, les fabricants, l’hôtellerie-restauration, les producteurs. Nous avons obtenu l’engagement que d’ici 2025, ils n’utilisent plus d’œufs de poules élevées en cage de batterie ou qu’ils n’en produisent plus. On peut donc espérer voir disparaitre en 2025 les élevages de poules pondeuses en batterie. Ce sont des exemples concrets. Nous menons les mêmes campagnes pour les poulets qui eux ne sont pas en cage mais qui subissent des sélections génétiques, des densités d’élevages et des conditions d’abattages qui sont absolument inacceptables et d’ailleurs, qui sont décriées quand on interroge le public. Nous obtenons une adhésion du public dans ce domaine.

  • D’une façon générale, est-à dire que les pouvoirs publics, qui sont en bout de chaine les seuls à pouvoir changer les choses, ne tiennent pas ou peu de cas de vos actions ? Je précise un peu ma question. Nous vivons dans une société de l’image dans laquelle les émotions qu’elles ont suscitées, pour aussi fortes qu’elles aient pu être, retombent aussi rapidement qu’elles nous ont crevé le cœur. Avez-vous constaté que ces mêmes pouvoirs publics comptent sur ce coté éphémère de l’émotion pour faire trainer les choses et ne pas prendre des mesures qui pourraient peut-être aller à l’encontre d’intérêts économiques ?

En réalité, plus on est proche de sa population et plus la mise pratique de l’action est facile. Un maire y parvient beaucoup mieux qu’un député et encore mieux qu’un ministre. Toutefois, il y a des députés et des sénatrices et sénateurs qui portent la question animale au sein de l’hémicycle et même dans leurs propres partis en étant complétement isolés. Je pense notamment à Eric Diard, député les Républicains qui est un des rares à porter la question animale à l’intérieur de son parti. Si je reprends l’exemple de l’abattoir de Briec, quand nous avons sollicité l’ensemble des parlementaires pour obtenir un audit des abattoirs comme ce fut le cas en 2016, 14 députés Les Républicains ont voté en faveur d’une résolution pour demander ce contrôle. Nous avons des soutiens dans d’autres mouvements politiques. Je pense à Cédric Villani, Mathieu Orphelin ou encore Aurore Bergé. Mais nous trouvons, en général, les plus forts appuis au sein de France Insoumise ou Les Verts qui ont des programmes sur cette question bien plus avancés que les autres partis. La question animale est transverse et je reconnais qu’elle a du mal à être portée surtout dans les grands partis traditionnels. On ne va pas se mentir. Mais encore une fois, les lignes bougent. Et je veux souligner que quand nous avons commencé avec L214, la question animale était totalement absente du débat politique. Nous n’avions aucune réponse. Par la suite, sont arrivées les déclarations de bonnes intentions du genre : « mais oui bien sur que la question animale est très importante. D’ailleurs, nous sommes très mobilisés et ca fait parti de nos priorités ». Ce n’était que du blabla à l’époque. Et puis la, dans l’année qui s’est écoulée, nous avons quand même eu 4 propositions de lois dont 3 ont été discutées. La proposition de loi du groupe Ecologie Démocratie Solidarité , elle-même poussée par le référendum d’initiative partagée pour les animaux qui a été propulsée par Hugo Clément et trois entrepreneurs de la Tech et soutenue par de très nombreuses associations comme L214. Nous avons eu la proposition de loi Maltraitance animale discutée en janvier à l’Assemblée Nationale. Elle concerne essentiellement les animaux de compagnie et on peut regretter qu’elle ait totalement mis de coté les questions de chasse et d’élevage. On passe un peu à coté du sujet car soi-disant, c’était clivant. Mais moi j’ai l’impression que c’est clivant uniquement à l’Assemblée nationale car les citoyens, eux, sont prêts à avancer la dessus. Et puis, on a eu les propositions faites au Sénat par Esther Benbassa, sur l’élevage intensif qui a été balayé par le Sénat. Tout comme d’ailleurs la proposition de France Insoumise sur les fermes usines qui a été écartée en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale.

Mais en tous cas, on sent que la question animale est de plus en plus présente et le pouvoir politique va devoir y faire face à moment donné ou un autre.

Autre exemple, en 2014, nous montrons les images du broyage des poussins. 50 parlementaires posent la questions au gouvernement de l’époque. Un fonds est débloqué pour de la recherche et on nous promet une interdiction de cette pratique d’ici à fin 2021 en même temps que les Allemands. Je reconnais que c’est très long car le poids politique des filières y est pour beaucoup. Je peux prendre l’exemple de l’élevage en cage des poules pondeuses. En 2018, on a la loi Egalim alimentation dans les deux chambres. Un amendement propose d’interdire l’élevage en cage des poules pondeuses. Tout le monde est prêt. Les supermarchés à l’époque sont déjà très engagés. Nous avions montré beaucoup d’images. On a le soutien de personnalités comme Stéphane Bern  ou Sophie Marceau et les sondages indiquent que 90 % de la population est opposée à cette pratique. Le législateur a donc un boulevard devant lui pour accéder à la demande citoyenne. Pour autant, sera voté un amendement de repli qui prévoira de voter l’interdiction de construire de nouveaux élevages en batterie. Alors qu’il ne s’en construisait plus déjà depuis un moment. On voit donc que les discussions menées par les politiques avec la filière œuf ont conduit à voter l’existant. Ils n’ont donc pris aucun risque politique. Voila un exemple de l’influence des filières qui sont cul et chemise avec le ministère de l’Agriculture. Au final, la moindre avancée est hyper contrôlée. Rendez-vous compte que nous n’avons obtenu la pose de caméra que dans 4 abattoirs en France tout simplement parce que la filière a fait savoir qu’il n’était pas question de leur imposer ca. Les responsables de cette filière se sont même servis des ouvriers des abattoirs pour empêcher les caméras. Alors qu’ils n’en ont rien à foutre des ouvriers. Au final et à ma grande déception, rien ne peut prouver que les mêmes dérives dans les abattoirs ne continuent pas.

Fin de la première partie. Retrouvez dans quelques jours la deuxième partie de notre interview exclusive avec la fondatrice de L214, Madame Brigitte Gothière.

Publié le 10/09/2021 12:03

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